Vendredi - Rêverie au bord de l'eau
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Rêverie au bord de l'eau
Quand quelques mots vous redonnent confiance en vous

Je suis allé, les pieds mouillés, sur les bords de ta rivière. La mousse y est tendre, l'air parfumé, et on ne peut en repartir...

Robinson

Je lis ces deux phrases tous les jours depuis que je les ai reçues. Réconfortantes, elles me permettent d'accéder à des rêves que je croyais oubliés.
Il est des aspirations que l'on ne perd pas aussi facilement qu'on le pense, finalement.

Un ange a profité de l'absence du magicien pour porter une fleur à cinq pétales à la Dame aux ailes de papillon, et lui poser tout un tas de questions embarrassantes. Non pour l'embêter, mais pour qu'elle se secoue un peu.
Eh ! oui ! Il arrive que les fées doutent au point de ne plus écouter les sages conseils de leur entourage ; alors, quelqu'un d'encore plus sage vient les titiller là où il faut bien remettre les pendules à l'heure (ben oui ! Y'a aussi des pendules qui sautillent dans les hautes herbes, en prenant soin de ne pas se salir les pieds, aux pays des fées).
Une fois que l'ange lui a bien remonté les bretelles - on imagine que les ailes ne sont pas déchirées par les bretelles de son maillot de bain -, qu'elle s'est demandée s'il allait la reposer à terre, parce qu'elle trouvait qu'il la soulevait bien haut (c'est haut, un ange), et qu'elle a finalement ressenti les fleurs lui chatouiller la plante des pieds (ça aime faire des farces, aussi, les anges), l'elfe s'allonge près de la rivière, une rose bleue dans le creux de ses mains.
Et pour la première fois depuis bien longtemps, elle rêve éveillée, avant de rêver véritablement dans un sommeil réparateur.
Sans qu'elle ne fasse attention, le magicien reparaît, pendant que l'ange repart dans la brume, et s'enfonce dans la forêt.

Écrit par Vendredi, le Mercredi 19 Octobre 2005, 03:50 dans la rubrique "Billets d'humeur".
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Commentaires :

  Robinson
19-10-05
à 18:59

Les traces de l'Ange



"Ubique, dites vous ?"


Non, je ne suis pas ubique, je suis Pablo, l'ange des virtualités. Et puis arrêtez de me regarder comme ça, on dirait que vous n'avez jamais vu un ange."


Le soldat baissa les yeux. "Je .... Je ne voulais pas vous vexer, vous savez, l'ubiquité, c'est juste la capacité de se dédoubler, de faire croire qu'on peut être à plusieurs endroits à la fois."

L’ange se rassit sur la chaise en bois du bistrot, un coude sur la table, une aile contre le mur.


"Et si moi je ne l'ai pas, ce don, d'autres l'ont. Non pas du point de vue de la capacité à être, mais de la capacité à être perçu. C’est pourtant simple, voyez les elfes filles. Elles aiment toutes un désir, qu'elle transforme en elfe garçon, ou en envie de faire du shoping, ou en amour des roses bleues, ou encore en situations romantiques. Et pourtant, vu de l'autre coté, ces garçons elfes ne sont pas là, mais ailleurs, et d'autres les voient... moi je suis là, dans ce bistrot des bas fonds du port de Pointe à Pitre, et c'est bien moi que vous voyez en train de boire une bière avec vous. Mais je connais une fille elfe qui me voit de la même façon que vous, de l'autre coté du monde, et j'en connais d'autres encore, qui me voient ici et là..."


Le soldat avait un air interrogateur. L'ange reprit:

" Et vous savez ce que c'est, çà ? cette manière de percevoir que vous avez touché les gens au point qu'ils pensent à vous, qu'ils vont jusqu'à croire que vous êtes devant eux, juste là, présent, avec une onde de rassurance qui émane de vous, avec de la tendresse qui s'écoule toute tiède vers leur coeur souvent trop froid, trop serré, alors que vous êtes à l'autre bout du monde, les pieds empêtrés dans le sable des dunes, à chercher vainement un chemin dans le désert, avec vos yeux qui brûlent, avec votre démarche d'affamé, la gourde vide, le crâne pris dans les tourments des migraines de la soif ? Non, vous ne le savez pas, parce que vous êtes soldat."


Le soldat, qui avait posé sa chope de bière, le regarda fixement, l'air effaré.

" Comment ne le saurais-je pas ? À cause de ma fonction ? Ne suis-je pas homme comme tous ici ? Est-ce mon âme qui me rend aveugle à cela, ou l'uniforme qui la recouvre ? Je sais bien de quoi vous voulez parler ! Vous me parlez de l'Amour, vous me parlez de cette puissance insondable qui traverse les songes et transperce les coeurs, vous me parlez de la Foi, cette seule Foi dont nous humains nous pouvons mesurer la vérité par les gestes que l'on donne, par les traverses traversées au nom d'un rien qui lie les âmes aux autres âmes, cet acte sublime qui nous fait mourir au nom de ce que nous ne pouvons nommer. Et moi ? Qui vous dit que je ne suis pas soldat par amour de mon peuple ? Qui vous dit que je ne suis pas Roi à cause de l'amour que je porte ? Est-ce la faconde noire que salissent les armes qui devrait couvrir de ténèbres le rayonnement de mon âme ? Ne me regarde pas comme ça, toi, l'ange, rempli de la suffisance que portent tes ailes ! Tu me mets en colère ! Tu peux, à l'innocence de ton uniforme de plumes croire que ton ubiquité est une résolution de l'amour que tu portes, mais n'imagines pas qu'un soldat encrassé de la boue du combat ne soit pas porteur des mêmes espérances, qu’il n'essaie pas de marcher tout comme toi au travers du désert pour trouver le chemin de la pureté, la voie de la sagesse, et, devenu porteur de ce nouveau fardeau, ne tente pas à son tour d'en partager le bonheur avec ceux qui sont assoiffés de cet amour..."


L’ange le regarda profondément. Il avait fini de boire. Il tendit une main et prit celle du soldat dans la sienne. Entre leurs regards se dessinait une tension immense, non de différence, mais une fusion extrême, comme une fièvre froide, porteuse d'une folie inconnue. Ils étaient devenus frères.

Robinson

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  Vendredi
Vendredi
19-10-05
à 19:22

Ubique

C'est très beau, Robinson.
Merci beaucoup !

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